mardi 16 juin 2009

L'implacable brutalité du réveil, Pascale Kramer



Des romans « criants de violence sourde » où règne un profond malaise, des mots justes plaqués sur des silences pesants, des portraits psychologiques intimistes esquissés à travers des actes et des gestes, sans que l’auteur ne nous impose son analyse, une plume élégante, délicate, travaillée, une utilisation brillante des 5 sens dans l’écriture qui favorise la proximité physique avec les personnages… C’est ainsi que je résumerais ce que je ressens à la lecture des ouvrages de Pascale Kramer, auteure genevoise née en 1961.
Son dernier roman, « L'Implacable brutalité du réveil » raconte la profonde confusion dans laquelle tombe Alissa, une jeune maman confrontée au deuil de son enfance qui s’achève avec la naissance de sa fille, Una. Un déménagement loin des amis, un divorce, celui de ses parents et avec lui la perte des repères, une nouvelle vie d’épouse qui commence sans doute trop tôt, décidée trop vite, contribuent à plonger notre héroïne dans une profonde dépression, alors qu’elle aurait tout, aux yeux de tous, pour être heureuse. Habitée par des sentiments contradictoires, le rejet de ce bébé qui focalise tous les bouleversements de sa vie et l’attendrissement pour cette petite vie dépendante, qu’elle sent battre au creux de ses mains, Alissa ne parvient pas à faire partager sa détresse à ceux qu’elle aime et s’enferme dans une profonde solitude morale. C’est un roman à lire (pas pour la plage, vous l’aurez compris…), un auteur talentueux à découvrir. Si vous avez aimé « L'Implacable brutalité du réveil », et en avez le courage, je vous invite à lire ensuite « Les vivants » qui raconte le deuil d’une maman qui perd ses deux enfants dans un jeu risqué dont elle avait anticipé le danger - l’ouvrage raconte sa souffrance sourde, étouffée - mais aussi « Retour d’Uruguay » qui est peut-être celui que j’ai préféré. L’auteur y déploit tout son talent pour mettre en scène une palette de personnages, attachants, mystérieux, complexes mais aussi parfois à la limite de la perversité. « Rien ne se passe et tout est dit, au plus près de la vie qui bruisse d’émotions et de sentiments contradictoires » (Mercure de France).

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