samedi 4 juin 2011

Le mec de la tombe d'à côté de Katarina Mazetti

Vous avez peut-être lu « Ensemble c’est tout », « Je l'aimais », « Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part ? ». Sous la plume de Katarina Mazetti, qui fait figure d’Anna Galvada suédoise, comme son nom ne l’indique pas, « Le mec de la tombe d'à côté », est un peu de cette veine. Emouvant et drôle, il se lit d’une seule traite. Ce qui justifie son classement dans les « livres pour la plage », mais ne signifie pas qu’il soit à ranger dans les mièvreries romantiques ou qu’il ne suscite aucune réflexion. Bien au contraire.

Benny est propriétaire d'une ferme avec 24 vaches. Il se rend trois fois par semaine sur la tombe de ses parents où il croise régulièrement Désirée, « la beige, la crevette » à la blondeur fadasse sans goût ni saveur, assise sur son petit blanc avec son chapeau ridicule. De son côté, Désirée vient de perdre son mari. Elle remarque « Le mec de la tombe d'à côté » avec sa casquette de Forestier, ses chemises à carreaux, ses doigts terreux, s’activant à l’entretien d’une sépulture qu’elle trouve clinquante et de mauvais goût.

Un jour vient où, sur un malentendu, ils échangent un immense sourire qui va sceller leurs deux solitudes et les propulser dans une passion aussi torride qu’inattendue. Ce sont deux mondes qui se rencontrent...ou ne se rencontrent pas : celui de Désirée, bibliothécaire férue de théâtre, d'opéra, de design, écolo-intello plutôt de gauche ; et celui de Benny, propriétaire des 24 bêtes, homme de la terre, travailleur et pragmatique, aspirant à une vie simple auprès d'une épouse aimante, sachant cuisiner et égayer un peu cet intérieur abandonné suite au décès de sa mère...et plutôt de droite.

Nous sommes en pleine analyse "Bourdieusienne" de la question du goût qui s'appuie sur l'idée que ces derniers proviennent exclusivement d'un héritage socio-culturel, chacun d'entre-nous ne semblant pouvoir évoluer au sein d'un univers social autre que celui où il est né (habitus). Une approche qui frise parfois la caricature surtout dans notre monde actuel que les moyens de communication ont considérablement contribué à décloisonner. Mais la réflexion peut être portée plus loin, dès lors que l'on se penche sur la capacité que chacun d'entre nous possède à accepter l'autre, dans son couple, tel qu'il est, avec ses habitudes, ses goûts, ses envies, ses objectifs et ses priorités de vie, sans tenter de le faire changer, de le transformer pour le modeler à l'image du conjoint idéal auquel il entend lier sa vie. On voit bien qu'à trop chercher à influencer l'autre, il se cabre, se retranche dans ses positions dans un réflexe de protection identitaire. Et c'est l'effet contraire qui se produit : aucune culture commune ne se contruit sur ce terrain là.

Rappelons-nous deux oeuvres sur le même thème : L'élégance du hérisson de Muriel Barbery qui liait les destins d'un réalisateur japonais à celui d'une concierge dans un joli roman d'amour un peu artificiel toutefois ; et Le goût des autres, film d'Agnès Jaouï dont l'approche était particulièrement fine, juste et sans concession. Je ne peux ici m'empêcher de vous en livrer un long extrait. A voir absolument si vous l'avez loupé.


2 commentaires:

Reka a dit…

Analyse bourdieusienne oui, je me suis fait la même réflexion et j'ai moi-même oublié de le dire! :)
Chouette critique. Si "Le mec de la tombe d'à côté" est assurément un roman à emporter à la plage, je ne suis pas d'accord de comparer Mazetti à Gavalda. Je trouve leurs proses peu comparables. Mazetti est bien plus féroce, j'ai l'impression...

Popylen a dit…

Merci Reka pour ton commentaire ! j'ai pensé à Anna Gavalda pour le côté léger et accrocheur de l'histoire. La suite du "mec de la tombe d'à côté" vient de sortir, je ne sais pas ce qu'elle vaut...